Que penser de l’homéopathie ? Petite mise au point

Homeopathie Animale

L’homéopathie divise, questionne, suscite adhésion ou violente réaction. Régulièrement, le débat est relancé sur l’efficacité de ce procédé thérapeutique alternatif et complémentaire. En mars, une tribune attaquait violemment l’homéopathie. Plus récemment, le Conseil de l’Ordre des médecins s’est exprimé sur le sujet. Que faut-il en retenir ? Nous faisons le point avant d’aborder son utilisation en pratique vétérinaire.

En mars 2018, une tribune virulente de 124 médecins étiquetait l’homéopathie de « pratique dangereuse », n’hésitant pas à mentionner le « charlatanisme » des confrères la pratiquant. Une prise de parole qui a réveillé le débat vieux de deux siècles sur l’homéopathie et poussé le Conseil de l’Ordre à s’exprimer.

Tribunes et attaques à l’encontre de l’homéopathie, que faut-il en penser ?

Tout d’abord, l’opposition si médiatisée de la tribune de mars ne concerne que 0,12 % des médecins en France, alors que 4,9 % pratiquent l’homéopathie et qu’un médecin conventionnel sur cinq en prescrit occasionnellement. Il ne s’agit donc en rien d’une prise de position officielle et généralisée. Le Conseil de l’Ordre s’est d’ailleurs exprimé dans un communiqué sur le manifeste de ces médecins en regrettant « que la forme véhémente de l’interpellation publique, dans laquelle l’Ordre est impliqué, ait davantage alimenté le buzz médiatique d’un moment qu’une réflexion sereine et argumentée sur le sujet ». Ce même conseil de l’Ordre recommande alors au public de se faire son idée en se rendant sur un de ses sites Internet traitant du cas de l’homéopathie. Il y est rappelé que cette thérapeutique n’est pratiquée que par des médecins, ou encore prescrite par des dentistes, vétérinaires ou sages-femmes qui peuvent se former via des diplômes universitaires ou interuniversitaires. L’homéopathie est considérée par cette source comme « l’une des quatre médecines alternatives et complémentaires officiellement reconnues en France ». (1)

Plus récemment, le Conseil de l’Ordre a réaffirmé sa position, interprétée par la presse généraliste comme « une opposition officielle face à l’homéopathie ». En fait, l’Ordre rappelle un point de vue déjà connu, à savoir que l’homéopathie ne se substitue pas à l’allopathie, mais qu’elle peut être utilisée de façon complémentaire.

Le Conseil national réaffirme, en conséquence, que la prise en charge médicale d’un patient doit être conforme aux exigences de qualité et de sécurité des soins, voire de leur urgence. Le traitement préconisé par un médecin ne peut, en aucun cas, être alternatif aux données acquises de la science et à l’état de l’art, mais peut comporter une prescription adjuvante ou complémentaire, médicamenteuse ou autre, que le médecin apprécie en conscience dans chaque situation, après avoir délivré au patient une information loyale, claire et appropriée ». (2)
Le durcissement concernant les termes employés au sujet de l’homéopathie vise à éviter la « confusion et les litiges d’interprétation » dans l’esprit d’un public pris à partie dans ce que le quotidien Libération a par ailleurs titré de « guéguerre » (3).

Existe-t-il des études pour prouver l’efficacité de l’homéopathie ?

La réponse est plus complexe que la question. Il est faux d’affirmer qu’aucune étude n’a jamais prouvé l’efficacité de l’homéopathie. Il est faux d’en faire une vérité générale. Dès 1988, une étude du Dr Benveniste cosignée par 13 chercheurs, parue dans la prestigieuse revue Nature, mettait en lumière qu’une substance hautement diluée pouvait modifier les propriétés du solvant (4). Si l’on ne parle pas d’homéopathie, c’est bien de son principe dont il s’agit : l’infinitésimal. Cependant, cette expérience a fait parler d’elle : reproduite à plusieurs reprises, elle s’avérait tantôt positive (5), tantôt négative (6). Une irrégularité qui n’a pas permis de valider scientifiquement l’efficacité du procédé, mais qui n’a pas non plus permis d’invalider complètement l’hypothèse.

Depuis, les études se sont enchaînées avec la même alternance de résultats, même si certaines études sur l’infinitésimal ont été publiées sans être contredites (6-7), comme ce fut le cas avec le travail sur l’aspirine, dont la dilution à 15 CH était supérieure au nombre d’Avogadro (nombre de molécules, ions et atomes contenu dans une mole de matière) (8).

La difficulté réside également dans la comparaison de l’allopathie et de l’homéopathie, ainsi que dans les protocoles. On attend de deux procédés thérapeutiques différents et aux rendus divers d’apporter des preuves similaires sur des expériences identiques. On trouve ainsi des études menées sur l’homéopathie avec le protocole traditionnel concluant à une inefficacité de l’homéopathie (9). Et d’autres concluant à une efficacité, mais présentant des biais remettant en question le bien-fondé des résultats (10). Sur la base de ces études, il n’est donc pas possible de valider scientifiquement l’efficacité de l’homéopathie.

En parallèle, il existe des études menées avec des protocoles s’éloignant des standards pharmacologiques classiques (individualisation des traitements par exemple) et qui, elles, ont conclu à une efficacité au-delà du placebo (11). Néanmoins, les protocoles étant différents, l’efficacité de l’homéopathie n’est, là encore, pas scientifiquement validée.

La célèbre revue Lancet a même publié, en 1997 puis en 2005, deux méta-analyses traitant de l’efficacité de l’homéopathie comparativement au placebo, aux conclusions opposées (12-13). Ces deux publications ont chacune été critiquées (14-15)

Autre moyen d’évaluer l’homéopathie : Epi3. Il s’agit d’un programme de cohorte en pharmacoépidémiologie, réalisé en France de 2005 à 2012. Plusieurs études en découlent (16-27). 8.559 patients de 825 médecins ont été suivis. 3 groupes ont été créés : patients traités par allopathie, par homéopathie et par pratique mixte. Résultat : les patients ont montré une évolution favorable comparable entre les 3 groupes dans le cadre du traitement de troubles musculo-squelettiques, du sommeil, respiratoires ou encore dépressifs (50 % des consultations de médecine générale).

Si ce programme de recherche a été mené à la demande des laboratoires Boiron, « ce serait un mauvais procès que mettre en doute son objectivité » précise le Pr Bernard Avouac, rhumatologue au CHU de Créteil Mondor et alors Président de la Commission de la Transparence (aujourd’hui rattachée à la Haute Autorité de Santé). À ce jour, Epi3 n’a pas rencontré d’objections.

Que peut-on en conclure ?

Ce que l’on peut en conclure, c’est qu’on ne doit pas porter de jugement hâtif concernant l’homéopathie. Si scientifiquement il n’a pas encore été possible de prouver l’efficacité de cette thérapeutique, rien ne prouve paradoxalement que cela ne fonctionne pas. D’autres éléments pointent l’intérêt de cette pratique alternative qui, si elle n’a pas vocation à guérir les infections et maladies bactériennes ou virales, semble être un soulagement efficace pour bien d’autres maux. Il est également bon de rappeler que les praticiens en homéopathie sont avant tout médecins : ils ont la connaissance et la pratique de la médecine conventionnelle, et la compétence supplémentaire d’une thérapie alternative. Ils sont donc capables de poser un diagnostic éclairé et de prescrire un traitement juste, qu’il soit allopathique, homéopathique, ou mixte. Alors que 50 % des Français ont déjà utilisé ou utilisent l’homéopathie, le débat qui se joue sur son efficacité les dépasse, « sème la confusion ». Le point de vue du Conseil de l’Ordre reste le plus objectif : l’allopathie a pu être éprouvée scientifiquement, mais nous n’avons pas les mêmes certitudes pour l’homéopathie. Il est donc préférable de favoriser la première pratique, ce qui n’empêche en rien d’envisager l’homéopathie, lorsqu’un traitement traditionnel n’est pas possible ou encore en complément. Ce choix relève du médecin et dépend des cas rencontrés.

N.B. La liste des études, qu’elles soient favorables ou défavorables à l’homéopathie, n’est pas exhaustive.
Sources et références :
(1) Communiqué du Conseil national de l’Ordre des médecins du 22/03/2018
(2) Texte adopté en séance plénière du Conseil national de l’Ordre des médecins du 14/06/2018.
(3) Article du 15/06/2018, « Homéopathie, la guéguerre repart à plein tube », Libération.
(4) E. Davenas, F. Beauvais, J. Amara, M. Oberbaum, B. Robinzon, A. Miadonnai, A. Tedeschi, B. Pomeranz, P. Fortner, P. Belon, J. Sainte-Laudy, B. Poitevin, J. Benveniste, Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE, Naturevolume333, pages816–818 (30 June 1988)
(5) Belon P, Cumps J, Ennis M, Mannaioni PF, Roberfroid M, Sainte-Laudy J, Wiegant FA (21 April 2004). « Histamine dilutions modulate basophil activation ».Inflammation Research. Birkhäuser Basel. 53 (5): 181–188. doi:10.1007/s00011-003-1242-0. PMID15105967.
(6) Demangeat, NMR relaxation evidence for solute-induced nanosized superstructures in ultramolecular aqueous dilutions of silica–lactose, Journal of Molecular Liquids 155(2):71-79 · August 2010 with 78, DOI: 10.1016/j.molliq.2010.05.010
(7) Rey L. ,Thermoluminescence of ultra-high dilutions of lithium chloride and sodium chloride, Physica A: Statistical Mechanics and its Applications, Volume 323, 15 May 2003, Pages 67-74, https://doi.org/10.1016/S0378-4371(03)00047-5
(8) Hirst SJ, Hayes NA, Burridge J, Pearce FL, Foreman JC. Human basophil degranulation is not triggered by very dilute antiserum against human IgE., Nature. 1993 Dec 9;366(6455):525-7.
(9) Belougne-Malfatti, Emmanuelle et al., Combination of Two Doses of Acetyl Salicylic Acid,Thrombosis Research , Volume 90 , Issue 5 , 215 – 221
(10) Ernst E., Homeopathy for eczema: a systematic review of controlled clinical trials., Br J Dermatol. 2012 Jun;166(6):1170-2. doi: 10.1111/j.1365-2133.2012.10994.x. Epub 2012 May 8.
(11) Peckham EJ, Nelson EA, Greenhalgh J, Cooper K, Roberts ER, Agrawal A., Homeopathy for treatment of irritable bowel syndrome., Cochrane Database Syst Rev. 2013 Nov 13;(11):CD009710. doi: 10.1002/14651858.CD009710.pub2.
(12) Chauhan VK, Manchanda RK, Narang A, Marwaha RK, Arora S, Nagpal L, Verma SK, Sreenivas V., Efficacy of homeopathic intervention in subclinical hypothyroidism with or without autoimmune thyroiditis in children: an exploratory randomized control study., Homeopathy. 2014 Oct;103(4):224-31. doi: 10.1016/j.homp.2014.08.004. Epub 2014 Sep 27.
(13) Aijing Shang, MD, Karin Huwiler-Müntener, MD, Linda Nartey, MD, Peter Jüni, MD, Stephan Dörig, Jonathan AC Sterne, PhD, Daniel Pewsner, MD, Prof Matthias Egger, MD, Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? Comparative study of placebo-controlled trials of homoeopathy and allopathy, Volume 366, No. 9487, p726–732, 27 August 2005, DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(05)67177-2
(14) Klaus Linde, MD, Nicola Clausius, Gilbert Ramirez, DPH, Dieter Melchart, MD, Prof Florian Eitel, MD, Larry V Hedges, PhD, Dr Wayne B Jonas, MD, Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? A meta-analysis of placebo-controlled trials,Volume 350, No. 9081, p834–843, 20 September 1997, DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(97)02293-9
(15) Scheen A, Lefèbvre P., [Is homeopathy superior to placebo? Controversy apropos of a meta-analysis of controlled studies]., Bull Mem Acad R Med Belg. 1999;154(7-9):295-304; discussion 304-7.
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– Recherche en homéopathie – Boiron